Napoléon Forel

NAPOLEON FOREL: L’un des fondateurs de l’industrie textile vosgienne

Il fait partie de ces hommes ambitieux qui n’ont pas hésité à emprunter des sommes considérables pour faire construire leurs bâtiments et acheter leurs machines de 1825 à 1870. En mars 1837, Felix Aubry constate dans l’écho des Vosges que l’arrondissement de Remiremont vient de subir une grande transformation ; l’industrie y a fait un pas immense. Situé au centre de la chaîne des Vosges, à proximité des grandes fabriques du Haut Rhin, traversé par la Moselle, avec des routes faciles, Rupt Sur Moselle voit grandir l’industrie manufacturière. A Rupt Sur Moselle entre 1834 et 1846, deux filatures et trois tissages à étage sont édifiés. Ils totalisent près de 14 000 broches et 900 métiers à tisser mécaniques. Ils procurent du travail à un millier de personnes.

NAPOLEON FOREL: L’homme politique

A partir de 1862, il s’engage dans la direction des affaires publiques et le 21 juillet 1862 il est nommé maire par décret signé par l’Empereur. Lors de son installation dans ses fonctions, il prononce un important discours pour la commune qu’il habite depuis 28 ans.

Entreprendre pour une population de 5.000 âmes, l’ensemble des améliorations réalisables, pourvoir simultanément à ses intérêts moraux et matériels, augmenter dans la mesure du possible les sources de la commune richesse, appeler l’universabilité des citoyens à profiter de cet accroissement, combattre d’anciens préjugés, déraciner les abus, éclairer, moraliser, concilier, poursuivre ce but malgré les obstacles. C’est là une tâche difficile entre toutes, mais entre toutes aussi honorable et parfaite pour tenter les hommes de cœur. C’est celle qu’accomplit sous vos yeux une municipalité courageuse à qui l’opinion rend cette justice que des grands intérêts confiés à sa sollicitude, il n’en est aucun qu’elle ait négligé, que des éléments de prospérité remis en ses mains, il n’en est aucun qui soit resté stérile. C’est celle qu’a reçu pour mission de continuer le magistrat qui ceint pour la première fois à cette assemblée l’écharpe municipale, homme d’action dont le dévouement ne faillira pas, j’en ai pour garant la part qu’il a pris depuis deux ans aux résultats obtenus. Ces grands travaux et ces grands projets sont ceux que le gouvernement de l’Empereur aime à compter sur les populations au sein desquelles ils se produisent …

Discours de Napoléon Forel lors de sa nomination par l’Empereur et lors de la pose de la première pierre de la nouvelle église de Rupt le 21 juillet 1862

Excellent administrateur, Napoléon Forel entreprend bientôt de grands travaux afin de moderniser la commune. Il fait remettre en état le réseau des routes et des chemins vicinaux qui desservent ses nombreux hameaux. Pour faciliter l’accès de son tissage des Meix et permettre aux ouvriers-paysans des hameaux disséminés à travers les montagnes qui bordent la rive gauche de la Moselle de s’y rendre plus facilement, il échange divers terrains contre le droit de passage sur les chemins du voisinage, puis il fait construire un pont en bois sur la rivière, suivant les normes qui lui sont indiquées par le préfet des Vosges le 7 janvier 1862. Il fait aussi installer le télégraphe privé ; durant trois ans, il met celui-ci à la disposition du public. Il préside la commission de reconstruction de l’église.

Pendant ce temps, il envisage de devenir Conseiller général. Lors des élections du 15 juin 1861, il obtient à Rupt, 454 voix contre 69 pour son adversaire Jules Legros, du Thillot. Les 22 et 23 juin suivants, il recueille 583 suffrages, mais il n’est pas élu. Il explique sa défaite à ses électeurs.

Bulletin du 27 juillet 1863 adressé à ses électeurs pour expliquer sa défaite :
Messieurs et Chers Concitoyens. Lors du scrutin de 1861, le canton du Thillot m’avait honoré d’un grand nombre de suffrages pour le représenter au Conseil Général. Si je n’ai pas siégé à cette assemblée, si je n’ai pas eu l’occasion de vous y prouver combien vos intérêts et la prospérité du canton me sont chers, si depuis deux ans nous sommes privés de représentation au conseil général, peut-être m’est-il permis d’en accuser les illégalités dont l’administration, le Conseil d’Etat et Sa Majesté l’Empereur par son décret du 21 juillet ont fait justice …

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Lors du vote sur le « plébiscite soumis par l’empereur à l’acceptation du peuple français » qui se déroule le dimanche 8 mai 1870, les électeurs ruppéens marquent leur hostilité au gouvernement impérial : 226 Oui contre 484 Non. Napoléon Forel paraît avoir favorisé en sous-main la diffusion d’une sorte de tract socialiste rédigé par les « travailleurs de Mulhouse » mais imprimé à Remiremont. Ce document largement distribué dans les usines conseille aux travailleurs des campagnes de voter Non. La chute de l’Empire plonge cependant Napoléon Forel dans l’embarras. Il demande alors la réunion du conseil municipal pour présenter sa démission. Le conseil réuni en hâte refuse cette démission.

A partir de 1871 il a de fréquents contacts avec Jules Ferry qui prépare au Thillot son élection au Conseil général. En mars 1874, le préfet des Vosges lui retire sa charge de maire au nom de l’Ordre moral, parce qu’il milite dans les rangs républicains. Pourtant Il est réélu triomphalement et il conserve son mandat jusqu’au 18 mai 1884.

NAPOLEON FOREL: Le sylviculteur et l’agronome

Il se distingue par des travaux de reboisement qu’il poursuit pendant dix-huit ans. A ce titre le comice agricole de Remiremont le récompense, il en est le président de 1874 à 1880. La Société d’émulation des Vosges lui décerne un de ses prix en 1958 en présence du Préfet du département et de nombreux notables.

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Son œuvre est ainsi résumée lors de la remise de la médaille vermeille le 16 décembre 1858
« Tout en faisant marcher ses usines, M. Léon Forel de Rupt s’adonne depuis dix-huit ans à la Sylviculture avec succès. Il possède derrière son habitation principale, sur la route de Rupt un terrain qu’il a planté de 1840 à 1846 en sapins-épicéas qui sont d’une très belle venue. Il forme aujourd’hui un jardin anglais où l’on remarque des arbres d’une grosseur extraordinaire. Une autre propriété près de son tissage des Meix, dont une portion de 51 ares 33 de sol tourbeux, difficile à assainir et ne produisant rien, a été par lui plantée en bois. Une autre portion derrière le tissage, d’un hectare 33 qui ne présentait à l’œil qu’un seul rocher abrupt, a été nettoyée, plantée et semée de bouleaux, épicés, mélèzes et sapins. Et en ce moment la vue se repose sur une belle forêt où l’on rencontre déjà des arbres de10 à 12 mètres de haut. Enfin au Dessus-de-Rupt, un terrain de 3 hectares a été repiqué de 1847 à 1852 et forme aujourd’hui une forêt qui domine le village de Rupt et contribue à son agrément. Plus de 20.000 pieds d’arbres de toutes espèces ont été repiqués par M.Forel… »

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Président de la chambre consultative des Arts et Manufactures de Remiremont, il milite pour que la France révise sa politique douanière avec Jules Méline, député de Remiremont, avec qui il se lie d’amitié.

Les deux hommes multiplient leurs interventions auprès des parlementaires, des ministres et même du président de la République entre 1873 et 1890. Ils obtiennent satisfaction avec le vote de la loi Méline le 7 janvier 1892. Forel propose aussi que l’on crée dans les Vosges une école de filature et de tissage analogue à celle de Mulhouse.

Victime d’une attaque d’apoplexie à l’été 1893, il décède à son domicile de Rupt le 23 septembre suivant. Ses obsèques se déroulent à l’église de Rupt en présence d’une foule considérable.

Ses initiatives lui valent d’être fait officier d’académie le 4 mars 1879 et chevalier de la Légion d’honneur le 26 juillet 1880.

Sources : les fondateurs de l’industrie textile vosgienne-Georges Poull Rupt Sur Moselle